"Coriolis feuilletait toujours [des albums d'estampes japonaises] : et devant lui passaient des femmes, les unes dévidant de la soie cerise, les autres peignant des éventails ; des femmes buvant à petites gorgées dans des tasses de laque rouge ; des femmes interrogeant des baquets magiques ; des femmes glissant en barque sur des fleuves, nonchalamment penchées sur la poésie et la fugitivité de l'eau. Elles avaient des robes éblouissantes et douces, dont les couleurs semblaient mourir en bas, des robes glauques à écailles, où flottait comme l'ombre d'un monstre noyé, des robes brodées de pivoines et de griffons, des robes de plume, de soie, de fleurs et d'oiseaux, des robes étranges, qui s'ouvraient et s'étalaient au dos, en ailes de papillon, tournoyaient en remous de vague autour des pieds, plaquaient au corps, ou bien s'en envolaient en l'habillant de la chimérique fantaisie d'un dessin héraldique. Des antennes d'écaille piquées dans les cheveux, ces femmes montraient leur visage pâle aux paupières fardées, leurs yeux relevés au coin comme un sourire ; et accoudées sur des balcons, le menton sur le revers de la main, muettes, rêveuses, elles semblaient ronger leur vie, en mordillant un bout de leur vêtement."
Edmond et Jules de Goncourt, Manette Salomon, Gallimard, collection Folio, 1996, p. 262-263.
J'ai illustré le texte des Goncourt avec des estampes de Kunichica et de Yoshitoshi.
J'ai illustré le texte des Goncourt avec des estampes de Kunichica et de Yoshitoshi.