Philippe Delerm,
Un été pour mémoire (collection Folio, 2004) :
1 ... tant de choses me dépassent, me ramènent malgré moi sur des chemins d'hier que j'avais refermés.
2 ... le nouveau curé ne monte plus que trois fois l'an pour dire la messe.
3 ... l'affairement de grand-mère et de maman se hâtant de convertir en confitures tous les fruits du jardin - ah ! ce linge sanguinolent de groseilles qu'elles tordaient au-dessus de la grande bassine de cuivre !
4. La vieille boîte en fer des biscuits Gondolo répandait ses trésors de vieux boutons dépareillés et rutilants.
5. Moi je rêvais du fouet superbe, orné de pompons bariolés qui trônait entre les licous, au mur de l'écurie.
6. Le présent hésitait, je me sentais entre deux mondes, plus près du monde disparu, plus près des heures évanouies.
7. Que c'était doux l'oubli qui se profile en faux reflet de la mémoire - les livres si longtemps vous suivent ou font semblant... - ah ! ces filets d'or éteint des couvertures de l'ancienne collection verte !
8. Le temps s'efface à trop se ressembler.
9. Terrasse immense de temps arrêté, avec dans le plaisir parfumé de l'instant toute la paix des nuits d'été.
10. Enfant, j'avais le droit, parfois, de dormir au jardin ; près du prunus, je m'enroulais dans des couvertures usagées qui sentaient bon la naphtaline.
11. Bonheur étale je revois les brûlantes moissons du temps où l'oncle Paul était encore paysan.
12. On voit passer les gens, et puis passer les choses, où l'on croyait tenir la vie des gens passés. Il me restait les mots, si difficiles au seuil de tant d'oubli, les mots qui se referment sur l'enfance, il ne reste que la chanson ; les mots ne disent rien que la chanson-douceur des choses qui s'en vont.
13. Mes rêves-souvenirs ont gardé le goût de l'été immobile, de l'eau claire à la fontaine des villages.
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Ce petit texte de Philippe Delerm m'a fait penser à la poésie de Francis Jammes (1868-1938) et à mes étés d'enfant dans un village lorrain.
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