Assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau
"Les gens du duc de Bourgogne [Jean sans Peur] et ceux du dauphin [le futur Charles VII] vinrent examiner le pont ; ils en garantirent la solidité.
Le dauphin arriva le premier ; le duc de Bourgogne ensuite.
- Venez donc, dit au duc un des gens du dauphin, monseigneur vous attend.
- Je vais à lui, reprit le duc, en continuant de s'avancer, et quand il fut près du dauphin, il mit un genou en terre.
Le jeune prince, sans aucun témoignage d'attention, lui dit assez durement :
- Il y a quinze jours que je vous attends, mon cousin ; pendant cela nos troupes fatiguent les habitants et les Anglais profitent de ces délais pour avancer vers Paris.
Comme ici le duc restait toujours agenouillé, un des seigneurs de sa suite lui dit :
- Relevez-vous donc, mon seigneur, c'est trop s'humilier.
Le duc, debout, dit alors au dauphin qu'il ne pouvait rien sans l'aveu du roi [Charles VI], et qu'il fallait se rendre à l'instant l'un et l'autre auprès du monarque.
Le duc, debout, dit alors au dauphin qu'il ne pouvait rien sans l'aveu du roi [Charles VI], et qu'il fallait se rendre à l'instant l'un et l'autre auprès du monarque.
- Je n'ai pas besoin de vos avis sur cela, répondit le dauphin ; j'irai voir le roi quand je voudrai.
- Vous y viendrez tout de suite, dit le duc ; puis mettant une main sur la garde de son épée, et l'autre sur le collet du dauphin, il fit des yeux un signal aux gens de son parti. Tanneguy Duchâtel, saisissant la situation, pousse alors le duc par les épaules, dégage le dauphin, que ses gentilhommes font repasser de l'autre côté de la barrière, et lui, Duchâtel poursuivant avec raison la vengeance de l'injure que son maître vient de recevoir, frappe le duc de sa hache, le blesse au visage et au poignet ; le duc tombe sur ses genoux, les coups redoublent, les meurtriers l'environnent ; on l'achève. Layet et Froilier lui plongent leurs épées dans le corps, au défaut de son haubergeon. Noailles, le seul partisan du duc qui se mit en défense, reçut plusieurs blessures, dont il mourut peu après ; les autres seigneurs bourguignons furent faits prisonniers, excepté Montaigu qui trouva le secret de s'évader."
Histoire secrète d'Isabelle de Bavière, reine de France, Œuvres complètes du marquis de Sade, tome XV, Paris, Au Cercle du Livre précieux, 1967, p. 450-451
Voir aussi :
Alexandre Dumas, Isabel de Bavière, tome II, Paris, Michel Lévy Frères, 1848, p. 162 :
"Le duc se releva, ne croyant pas sans doute devoir en entendre d'avantage ; et, comme dans l'humble posture qu'il, avait prise, une des ciselures de la poignée de son épée s'était accrochée à une maille de haubergeon, il voulut faire reprendre à cette arme sa position verticale : le dauphin recula d'un pas, ne sachant pas quelle était l'intention du duc en touchant son épée.
- Ah ! vous portez la main à votre épée en présence de votre maître ! s'écria Robert de Loire en se jetant entre le duc et le dauphin.
Le duc voulut parler. Tanneguy se baissa, ramassa une courte hache cachée derrière la tapisserie ; puis se redressant de toute sa hauteur : Il est temps ! dit-il en levant sa hache sur la tête du duc.
Le duc voulut parler. Tanneguy se baissa, ramassa une courte hache cachée derrière la tapisserie ; puis se redressant de toute sa hauteur : Il est temps ! dit-il en levant sa hache sur la tête du duc.
Le duc vit le coup qui le menaçait ; il voulut le parer de la main gauche, tandis qu'il portait la droite à la garde de son épée, mais il n'eut pas même le temps de la tirer : la hache de Tanneguy tomba, abattant la main gauche du duc, et du même coup lui fendant la tête depuis la pommette de la joue jusqu' au bas du menton.
Le duc resta encore un instant debout, comme un chêne qui ne peut tomber ; alors Robert de Loire lui plongea son poignard dans la gorge et l'y laissa."

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