lundi 24 novembre 2025

René Char et Job raillé par sa femme de Georges de La Tour

 
Georges de La Tour, Job raillé par sa femme
Musée d'Art Ancien et Contemporain d'Épinal
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"La reproduction en couleurs du Prisonnier  de Georges de La Tour, que j'ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n'ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l'emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d'ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l'homme assis. Sa maigreur d'ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L'écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l'inespéré mieux que n'importe quelle aurore."
René Char, Feuillets d'Hypnos (1943-1944), n° 178, Gallimard, 1946. Poèmes et prose choisis, Gallimard, 1957, p. 56.

Pour l'illustration : Jacques Thuillier, Tout l'œuvre peint de Georges de La Tour, Paris, Flammarion, 1973, pl. LVII.

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