"Il a fait deux choses [le baron de Quelte] : un bassin, et il a déplacé une croix. Le basin est là-haut, à Quelte, un grand bassin dans le rocher et plein de poissons. La croix, c'est celle de la mission de 1899. L'évêque et l'archevêque étaient venus avec des vols de corbeaux, et des bannières, et des cantiques, et la foire. En principe ça devait se refaire tous les ans. Le baron dit non. "Moi, François de Quelte, je dis non. Cette montagne n'est pas à vous. À cinq cents, pleins d'encensoirs, vous arrivez ici avec vos pieds sales ; allez vous promener ailleurs. Vous venez planter une croix ? Votre foi déplace les montagnes ; moi je déplace les croix." On ne l'écoute pas ; même on rigole et à grand renfort d'archi-trucs (qui avaient des voix de basse) on te plante la croix de la mission (1899) en belle vue de Quelte, sur un mamelon. Et on s'en retourne, le devoir accompli, en chantant à pleine voix. Ça n'a pas traîné. Subito presto. Huit jours après, chez l'archevêque, ou une huile quelconque, on sonne à la porte. C'était la croix, avec le socle, et les salutations de Monsieur de Quelte. D'ailleurs, il était là en personne, en grand uniforme, avec son col à manger de la tarte et à la main sa canne-épée. La croix est maintenant dans le Valgaudemard, dans un coin perdu. Oh ! C'est un sacré zouave." 😂
Jean Giono, L'Iris de Suse, Gallimard, 1970, p. 52-53.
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