samedi 1 novembre 2025

Sándor Márai et la reconnaissance de Marcel Proust

"En lisant Proust, je découvris non sans étonnement que je ne savais rien de mon métier. La constellation proustienne venait de se révéler  dans toute sa plénitude aux yeux de la nouvelle génération ; jusque-là, on n'avait vu en Proust que le snob, le bavard névrosé, le chroniqueur prolixe de la petite histoire mondaine. Cependant, emboîtant le pas à quelques critiques audacieux, toute une génération de curieux commença à se demander si la   « société mondaine » dépeinte dans À la recherche du temps perdu n'était pas étroitement apparentée à la société tout court, à l'humanité universelle, à ses mythes et à sa mémoire collective, si ces « affaires privées », ces « extravagances », ces actes et ces gestes « insignifiants », ces ambiances et ces relations analysées avec un  soin si minutieux ne renvoyaient pas au fond archaïque de la nature humaine. Omniprésent, Proust régnait sur la vie littéraire ; nul, même ceux qui ne l'avaient jamais lu, ne pouvait se soustraire à son influence ; le rayonnement de sa personnalité traversait le tissu littéraire de l'époque et parvenait indirectement, par toures sortes de relais et de filtres intermédiaires, jusqu'aux profanes et aux ignorants."
Sándor Márai, Les Confessions d'un bourgeois, 1935, Le Livre de Poche, 2014, p. 503-504.

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