© Rheinisches Landesmuseum Bonn
Vierge de pitié, dite la Pietà Roettgen
bois, autour de 1325
Rheinisches Landesmuseum Bonn, RFA
"Or, à gauche du canapé, dans un coin, on pouvait apercevoir une œuvre d'art, une grande sculpture en bois polychrome posée sur un socle tapissé de rouge, une pietà d'une ferveur pathétique, dont la naïveté et la débauche d'effets frisaient le grotesque : la mère de Dieu sous sa coiffe, les sourcils froncés, la bouche déformée par une plainte, et, sur ses genoux, l'Homme de douleurs aux proportions primitives et ratées, à l'anatomie crûment mise en relief, mais témoignant d'une certaine ignorance ; la tête retombait, hérissée d'épines, le visage et les membres étaient souillés de sang et tout ruisselants, les plaies du flanc pleines de gros caillots, les mains et les pieds transpercés de clous.
« Ce que vous avez là, murmura-t-il [Hans Castorp], mais c'est terriblement bien ! A-t-on jamais vu une telle souffrance ? C'est ancien bien sûr ?
- Quatorzième siècle, répondit Naphta. Sans doute d'origine rhénane. Ça vous impressionne ?
- Énormément, dit Hans. Ça ne peut pas rater son effet sur le spectateur. Jamais je n'aurais imaginé qu'une œuvre puisse être à la fois si laide - pardonnez-moi - et si belle."
Thomas Mann, La Montagne magique, Le Livre de Poche Biblio, 2019, p. 603-604.
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