dimanche 16 avril 2023

les oiseaux dans Que ma joie demeure de Giono

Bobi balaie l'aire. Il fait place nette avec les grumeaux de gel et les grumeaux de terre. Maintenant le sol est dur et net comme une assiette. Il a vidé là-dessus au milieu un sac de blé. Ça pouvait faire à peu près cinquante kilos.
Un oiseau venait de passer... Il eut l'air de s'écraser sur le ciel. Tout ouvert, ailes et plumes de la queue où l'on put voir un peu de rouge. Il se freinait de toutes ses forces. Il s'arrêtait, ventre au vent ; déjà il tombait quand il piocha d'un grand coup avec ses plumes... Il frappa le tas de blé à plein fouet. Il se secoua. Il était étonné. C'était un verdier.
[D'autres oiseaux arrivent sur le tas de blé]. 
Il y en avait déjà au moins trente. Une draine, un turquin tout bleu de turc, un tangara à sept couleurs, des bouvreuils rouges, bleus et noirs, un bruant tout en or, une ouette qui balançait sa crête rouge et frappait de droite et de gauche avec ses ailes noires, des serlis, des tarins, des agripennes, des chardonnerets, des vengolines, des linottes, des jaunoirs, des sizerains, des titiris, des passerines.
Il en arrivait encore. Voilà des rousseroles. Ce sont des oiseaux de rivières. Elles venaient de l'Ouvèze, du côté du soleil. Il y avait des tourterelles, des fauvettes. 
Elle [Marthe] voyait des loriots. Elle pensait au vent d'ouest. Parce que les loriots viennent toujours mêlés aux bourrasques... Elle voyait des calandres avec les taches de rouille. Elle voyait des roitelets, verts, gris, ailes noires et crête d'or... Elle voyait des geais et des rolliers, des perdrix, des cailles - car maintenant tous les oiseaux du plateau s'étaient appelés - des mouchets traînebuisson, des mésanges grises, des cochères à tête bleue, et une sorte d'oiseau qu'elle connaissait bien  et dont le nom était l'oiseau-silencieux. Il ne chantait jamais, même pas au temps de l'amour. 

Jean Giono, Que ma joie demeure, Grasset, 1935, phrases du chapitre IV.

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