lundi 16 novembre 2020

les propos clairs et nets d'Emmanuel Macron sur la liberté d'expression

Il y a pour moi un deuxième défi, qui est que l’Europe reprenne le flambeau de ses valeurs. Elles sont en train d’être abandonnées partout. Le combat qu’on mène contre le terrorisme et l’islamisme radical est un combat européen, c’est un combat de valeurs. C’est un combat pour nous et au fond je pense que le combat contemporain est un combat contre la barbarie et l’obscurantisme. C’est cela ce qui se passe. Ce n’est pas du tout un choc de civilisation, je ne me reconnais pas du tout dans cette lecture des choses, parce que ce n’est pas une Europe chrétienne qui irait contre le monde musulman, fantasme dans lequel certains veulent nous entraîner. C’est une Europe qui a des racines judéo-chrétiennes, c’est un fait, mais qui a su construire deux choses : la coexistence des religions entre elles et la sécularisation du fait politique. Ce sont deux acquis de l’Europe. Parce que c’est ce qui a permis de reconnaître le primat de l’individu rationnel et libre et donc le respect entre les religions. Et ce qui est en train de se passer dans le débat que nous avons eu, largement contre la France, et on ne l’a pas je crois suffisamment mesuré, est un retour en arrière de l’histoire colossal.

 Le combat qu’on mène contre le terrorisme et l’islamisme radical est un combat européen, c’est un combat de valeurs. C’est un combat pour nous et au fond je pense que le combat contemporain est un combat contre la barbarie et l’obscurantisme.
 Tout le débat qui a eu lieu a consisté, au fond, à demander à l’Europe de s’excuser des libertés qu’elle permet. Et en l’espèce à la France. Et le fait que ce débat ait si peu vécu en Europe, ou qu’il ait été structuré de manière si gênée, dit quelque chose de la crise morale qui est la nôtre. Mais je l’assume totalement. Nous sommes un pays de liberté où aucune religion n’est menacée, où aucune religion n’est malvenue. Je veux que tous les citoyens puissent exercer leur culte comme ils le veulent. Mais nous sommes aussi un pays où les droits de la République doivent être parfaitement respectés, parce qu’on est d’abord citoyen, et qu’on a un projet commun et une représentation commune du monde : nous ne sommes pas multiculturalistes, nous n’additionnons pas les façons de représenter le monde côte-à-côte, mais nous essayons d’en construire une ensemble, quelles que soient après les convictions qu’on porte dans ce qui est l’intime et le spirituel.

Forts de cela, nous avons des droits : la liberté d’expression, de caricature, qui a fait tant couler d’encre. Il y a cinq ans, quand on a tué ceux qui faisaient des caricatures, le monde entier défilait à Paris et défendait ces droits. Là, nous avons eu un professeur égorgé, plusieurs personnes égorgées. Beaucoup de condoléances ont été pudiques et on a eu, de manière structurée, des dirigeants politiques et religieux d’une partie du monde musulman  – qui a toutefois intimidé l’autre, je suis obligé de le reconnaître – disant : « il n’ont qu’à changer leur droit  ». Ceci me choque et en tant que dirigeant, je ne veux choquer personne, je suis pour le respect des cultures, des civilisations, mais je ne vais pas changer mon droit parce qu’il choque ailleurs. Et c’est précisément parce que la haine est interdite dans nos valeurs européennes, que la dignité de la personne humaine prévaut sur le reste, que je peux vous choquer, parce que vous pouvez me choquer en retour, nous pouvons en débattre et nous disputer parce que nous n’en viendrons jamais aux mains puisque c’est interdit et que la dignité humaine est supérieure à tout. Et nous sommes en train d’accepter que des dirigeants, des chefs religieux, mettent un système d’équivalence entre ce qui choque et une représentation, et la mort d’un homme et le fait terroriste – ils l’ont fait –, et que nous soyons suffisamment intimidés pour ne pas oser condamner cela.

Ceci pour moi dit une chose. Le combat de notre génération en Europe, ce sera un combat pour nos libertés. Parce qu’elles sont en train de basculer. Et donc, ce ne sera pas la réinvention des Lumières, mais il va falloir défendre les Lumières face à l’obscurantisme. Cela est sûr. Et ne nous laissons pas enfermer dans le camp de ceux qui ne respecteraient pas les différences. C’est un faux procès et une manipulation de l’histoire. Il n’y a de respect possible que si la dignité humaine se place au-dessus de tout, mais le respect ne doit pas se faire aux dépens de la liberté d’expression. Sinon, ce n’est pas du vrai respect, c’est l’abandon, au fond, de la discussion, de la conflictualité qu’il peut y avoir dans la discussion et le débat. C’est ce qu’ils veulent. Là, l’Europe a une responsabilité, donc pour moi le deuxième combat à mener, c’est ce combat pour nos valeurs. Ce mot paraît générique, mais c’est le combat pour les Lumières.

Le combat de notre génération en Europe, ce sera un combat pour nos libertés. 

Le Grand Continent, 16 novembre 2020

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire