mercredi 8 avril 2020

nouvelles histoires naturelles de Jules Renard d'après son Journal

 Les bêtes me font rougir de mes plaisanteries sur elles
-
- Les crabes, galets marchant.
- Une perche, zèbre de l'eau, lève la tête, se cabre, et se tient droite dans son fourreau de barres.
- Les escargots au cou de girafe.
- Des ciseaux de son bec, le corbeau déchire la solide toile de l'air.
- La tortue ressemble à une blouse qui sèche sur une corde et ballonnée par le vent.
- la girafe porte-drapeau.
- Le hérisson frisé comme des baguettes de tambour.
- Un coq coiffé comme on l'est à Polytechnique.
- Les dindes au teint d'Anglaises constipées.
- Le cochon avec sa casquette toujours sur les yeux.
- Le berger avec ses moutons a l'air d'une église avec son village.
- Le papillon de nuit avec ses ailes alsaciennes.
- Les truies ont sous le ventre un gilet avec double rangée de boutons.
- Des moutons ont un gardénia de laine à l'épaule.   
- Un lapin allongé, les yeux mi-clos, semble dire : "Le monde me fatigue."
- Chaque poule, la tête sous un cachet de cire rouge.
- La truie et son troupeau de seins.
- Le tatou, une tortue perfectionnée.
- Du coq, Guitry dit très joliment qu'il court les mains dans les poches.
- Derrière moi, le coucou, mystérieux, invisible, mal famé, chante. On l'accuse de déposer ses œufs, un par un dans des nids de fauvette, de rouge-gorge, de rossignol, de bergeronnette, de grive ou de merle. Le beau crime ! Eh ! bien, et vous ? Avec ça que vous ne déposez jamais vos petits dans le lit des autres. Mais vous n'avez pas la loyauté de chanter : "Coucou !" pour prévenir.
- Le coq tâche, sans y réussir, de faire sonner ses éperons. 
- Les coudes levés, les poings aux yeux, la grenouille pleure. Les deux pattes de devant sur une pierre les yeux hors de la tête, menaçante, très "quos ego !..." [je devrais !...]. Mais elle ne trouve rien à dire.
- Il faut rentrer : déjà les araignées dressent leurs petites tentes pour la nuit.
- Le chat tâte l'univers avec sa patte.
- L'air supérieur où chante l'alouette, où elle se grise de soleil jusqu'à tomber comme un plomb.
- Les escargots et leurs petits bâtons pour manger, comme les Chinois.
- Le castor qui a l'air d'accoucher d'une semelle de soulier.
- La tête du coq éclate comme le bout d'une allumette.
- Chrysanthèmes qui ressemblent trop à des caniches. 
- Serin, beau comme un jaune d’œuf.
- Si un seul cochon savait sa destinée, avec cette gueule, ces dents, ces cris, cette tête lourde et               puissante, la race humaine aurait vite le dessous.
- Les chevaux courent dans le pré, hippocampes sur une mer verte.
- Hirondelles. Sourcils épars dans l'air. L'accent circonflexe est l'hirondelle de l'écriture.
- Cornichon, petit cochon vert à qui suffit, pour saloir, un bocal.
- Le bourdon en pourpoint de velours. Espagnol vain.
- La châtaigne, ce hérisson des fruits.
- La noix, ces deux oreilles collées l'une contre l'autre.
- En mars, la couleuvre sort de son trou, et, épuisée par l'effort, s'endort au soleil, luisante, toute neuve.
- L'arbuste voudrait déjà être assez grand pour avoir un nid.
- Le tatou dans son gantelet de fer.
- L'oie qui fait sa proue, son devant de carène.
- Le pélican qui porte son bec dans son tablier.
- L'escargot promène son petit chignon.
- Une araignée qui a tendu sa toile entre deux fils télégraphiques, pour écouter ce qu'on dit.
- Des singes se poussent du coude quand nos laideurs passent.
- Coccinelle : une petite tortue qui tout à coup s'envole.
- Limace rouge, en beau cuir de Russie, avec de profondes rainures.
- La chèvre porte sa besace entre ses jambes.
- Une sauterelle jouait du violon, une rainette, de la cornemuse.
- Le mille-pattes n'en a - j'ai compté - qu'une vingtaine.
- Quel admirable animal que le cochon ! Il ne lui manque que de savoir faire lui-même son boudin.
- Cochon : une pomme de terre avec des oreilles.
- Les araignées ont fait leurs Sciences : fortes études en géométrie.
- L'alouette monte, monte. Elle va se poser sur le bout du doigt de Dieu.
- Fourmis, petites perles noires dont le fil est cassé.
- L'escargot : vigneron avec sa hotte sur le dos, la tête traversée d'aiguilles à tricoter.
- Une mouche qui se frotte les mains.
- La chauve-souris qui vole avec son parapluie.
- Pingouin, le bout de ses ailes dans sa poche de gilet.
- Dans l'allée, la chenille se joue un petit air d'accordéon qu'on n'entend pas. Aucun son ne sort.
- Ah ! sauter sur le dos d'un lièvre et filer vers l'horizon !
- Tristan [Tristan Bernard, ami de Jules Renard] jette une mie de pain dans la loge de Rostand. - Pour Chantecler [pièce de théâtre d'Edmond Rostand], dit-il.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire