"J'ai planté des arbres. Cela semble rien ; c'est tout un art de vivre. Il s'agissait pour moi de transformer un jardin potager que je venais d'acquérir en bosquet pour le régal des yeux et des sens en général. J'ai planté il y a six ans dix-huit peupliers qui ont maintenant dix à quinze mètres de haut, puis, plus récemment, des trembles et des bouleaux. Le feuillage des peupliers fait dans le vent le bruit de la pluie, celui des trembles se renverse et luit comme de l'argent, j'aime le tronc des bouleaux couverts de leur écorce semblable à la peau d'un cheval... Qui sait encore apprécier un arbre ?
L'arbre, c'est la lenteur, l'enracinement et le "sur place".
La forêt est un régulateur de climat et d'atmosphère qui profitera à tout le monde ; sa beauté peut servir à quiconque y est sensible, gratuitement. "
Jean Giono, "Bâtons rompus", dans Les Terrasses de l'île d'Elbe, Gallimard, 1976, p. 25-26 et 32. Chronique écrite en 1962.
"J'avais six à sept ans et j'accompagnais mon père dans ses promenades. Il portait ans sa poche un petit sac qui contenait des glands. Les glands sont gratuits sous les chênes. Il avait une canne à bout ferré ; on peut dire qu'elles sont gratuites aussi, il y en a dans toutes les familles. Le reste était une affaire de jarrets. À certains endroits des collines, sur quelques replats, devant une belle vue, dans des vallons près des fontaines, le long d'un sentier, mon père faisait un trou avec sa canne et enterrait un gland, ou deux, ou trois, ou cinq, ou plus, disposés en bosquets, en carrés ou en quinconces. C'était une joie sans égale : joie de le faire, joie d'imaginer la suite que la nature allait donner à ces gestes simples. Tout en continuant ces sortes de plantations nouvelles, nous allions visiter celles des années précédentes. Les glands plantés dans ces conditions donnent naissance à des chênes une fois sur dix ; c'est une belle proportion. Quels cris quand nous découvrions un de nos sujets bien robuste !"
Jean Giono, "Réponses", dans Les Terrasses de l'île d'Elbe, Gallimard, 1976, p. 36. Chronique écrite en 1962.
"Quelques années après avoir planté ma roseraie, beaucoup de mes rosiers moururent. J'avais eu cependant le temps de voir que les plus beaux me restaient, et aussi de constater que ce qui manquait le plus dans ma fenêtre (celle qui donnait sur la petite pièce de terre) c'étaient de beaux feuillages. J'aime ceux des peupliers et des trembles. Je me mis donc en rapport avec les services forestiers, qui me fournirent d'abord six peupliers d'Italie (qui se révélèrent être des italiens mélangés d'américains), puis, deux ans après, six peupliers blancs dits "de Chine", semblables à ceux que Bonvalot dessina sur les bords de L'Amou-Daria et autour de toutes les flaques de la Transoxiane. Le terrain, qui ne convenait pas tout à fait aux rosiers, convint parfaitement à ces deux sortes de peupliers. En quelques années ils s'élevèrent à plus de quinze mètres de haut, ils firent des feuilles larges comme des feuilles de platane, et donnèrent à mes yeux un vert acide qui se marie admirablement avec la couleur des roses. Au surplus, ils firent monter mon jardin en hauteur, si bien que j'ai maintenant devant ma fenêtre une admirable tapisserie à la rose et au peuplier."
Jean Giono, "Paris", dans Les Terrasses de l'île d'Elbe, Gallimard, 1976, p. 79-80. Chronique écrite en 1963.
L'Homme qui plantait des arbres de Jean Giono, court texte, est celui de tous ses livres qui est le plus vendu et le plus traduit au monde.
"Quelques années après avoir planté ma roseraie, beaucoup de mes rosiers moururent. J'avais eu cependant le temps de voir que les plus beaux me restaient, et aussi de constater que ce qui manquait le plus dans ma fenêtre (celle qui donnait sur la petite pièce de terre) c'étaient de beaux feuillages. J'aime ceux des peupliers et des trembles. Je me mis donc en rapport avec les services forestiers, qui me fournirent d'abord six peupliers d'Italie (qui se révélèrent être des italiens mélangés d'américains), puis, deux ans après, six peupliers blancs dits "de Chine", semblables à ceux que Bonvalot dessina sur les bords de L'Amou-Daria et autour de toutes les flaques de la Transoxiane. Le terrain, qui ne convenait pas tout à fait aux rosiers, convint parfaitement à ces deux sortes de peupliers. En quelques années ils s'élevèrent à plus de quinze mètres de haut, ils firent des feuilles larges comme des feuilles de platane, et donnèrent à mes yeux un vert acide qui se marie admirablement avec la couleur des roses. Au surplus, ils firent monter mon jardin en hauteur, si bien que j'ai maintenant devant ma fenêtre une admirable tapisserie à la rose et au peuplier."
Jean Giono, "Paris", dans Les Terrasses de l'île d'Elbe, Gallimard, 1976, p. 79-80. Chronique écrite en 1963.
L'Homme qui plantait des arbres de Jean Giono, court texte, est celui de tous ses livres qui est le plus vendu et le plus traduit au monde.
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