Comme Taine avait son
platane du square des Invalides, j'ai mon chêne que je viens voir à chaque fois
que je me promène près de la forêt de Garche.
-
"Ils étaient arrivés devant
le square des Invalides ; M. Taine s'arrêta, mit ses lunettes et, de son
honnête parapluie, il indiquait au jeune homme un arbre assez vigoureux, un
platane... Oui, de son parapluie mal roulé de bourgeois négligent, il désignait
le bel être luisant de pluie, inondé de lumière par les destins alternés d'une
dernière journée d'avril.
- Combien je l'aime cet
arbre ! Voyez le grain serré de son tronc, ses nœuds vigoureux ! Je ne me lasse
pas de l'admirer et de le comprendre. Pendant les mois que je passe à Paris,
puisqu'il me faut un but de promenade, c'est lui que j'ai adopté. Par tous les
temps chaque jour, je le visite. Il sera l'ami et le conseiller de mes
dernières années... Il me parle de tout ce que j'ai aimé ; les roches pyrénéennes,
les chênes d'Italie, les peintres vénitiens.
Sentez-vous sa biographie ? Je la
distingue dans son ensemble puissant et dans chacun de ses détails qui
s'engendrent. Cet arbre est l'image expressive d'une belle existence."
Maurice Barrès, "Les Déracinés",
dans Romans et voyages, tome I, Robert Laffont, collection
Bouquins, 1994, p. 596-597. Vital Rambaud indique dans la note 409, page 988, du tome II, que l'image de l'arbre fut aussi pour Maurice Barrès un véritable totem de la vie harmonieuse.

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