mardi 31 juillet 2012

le monument de la Butte de Vauquois



Le Monument de la Butte de Vauquois, Meuse
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La butte de Vauquois (280 m) est une colline isolée sur laquelle était l'ancien village de Vauquois, détruit entièrement en 1914-1918. Excellent observatoire, la butte fut âprement disputée par les Allemands et les Français, pour rester finalement position française début mars 1915.
Au sommet de la butte, les explosions de mines et les obus firent disparaître le village et creusèrent d'énormes entonnoirs, encore parfaitement visibles aujourd'hui. On y a érigé en 1926 un monument, en forme de lanterne des morts, avec une sculpture de Marius Roussel représentant un soldat debout dans une tranchée, en uniforme de 1914 (képi), appuyé sur son fusil, tenant une grenade à la main.
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" Poussé par le vent mouillé
Et par le passé glacé,
J'arpente les souvenirs
Et l'herbe trempée.

Je vais au piton, là-haut,
Où ceux de mon nom sont nés.
Où, dans les couples d'années,
Trente mille hommes sont morts.

Je grimpe la pente abrupte
Et gravis celle des ans
Sous la pluie, la pluie d'antan.
Elle est rude la montée !

Plus riern là-haut, ni personne,
Plus rien qu'un panneau de bois,
Près des entonnoirs.
Un panneau peint de dix lettres :
SITE NATIONAL. "

Lucien Jacques, " Vauquois I ", dans Le Jardin sans murs, 1931.
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11 juin 1915
" Une poussée sauvage me bouscule et me réveille en sursaut : une mine !
Il fait encore à peu près nuit. L'air est tout imbibé d'un brouillard noir ; l'odeur d'ail de la poudre, l'odeur moisie de la terre crue ont envahi l'ombre : une pluie de pierres et de terre retombe encore sur nous, acre au nez et froide à la peau, peuplant confusément le petit jour brun de hachures d'ocre. Un silence de cave.
Puis, un à un, les moellons, les quartiers de roche se mettent à choir du ciel et ébranlent le sol de secousses mates. Les parapets à demi affaissés, les boyaux à demi comblés, obstrués de pavés, de rochers, de poutres, les cabanes effondrées, les gabions, les sacs à terre éboulés mamelonnent ou hérissent vaguement les ténèbres.
Finalement, il y a eu plus de peur que de mal. La tranchée de première ligne est démolie en plusieurs endroits, mais n'a pas sauté : l'entonnoir, qui a dix mètres de large sur quinze mètres de long, est sous le parapet même ; le fourneau de mine était mal orienté, heureusement ; les Boches ont dû souffrir autant et plus que nous : ils n'ont pas bougé."
5 août 1915
" Notre dernière mine a démoli la tranchée boche de l'est, en face de la 10e. Mais notre deuxième ligne là-haut a été bouleversée de fond en comble par les marmites. C'est une vision effrayante.
Bah ! une fois de plus ! Les Boches ont dû diablement souffrir  (il est vrai que nous avons huit pertes à la 11e), car ils avaient l'air d'enrager !
Eh bien, nous avons encore une mine, à galerie de soixante mètres, toute prête au haut du chemin sous la deuxième ligne allemande ; dix-huit cents kilos de poudre sous un blockhaus !"
15 mai 1916
" Vauquois nous a coûté hier quatre-vingt-dix-sept morts.
Les galeries de l'abri du centre sont très éprouvées : coffrages crevés, ciels lézardés, montants éclatés... quelques obus bien placés pourront encore faire de bel ouvrage si l'on n'y prend garde.
Le capitaine de la 5/1 estime de l'entonnoir a quatre-vingt-dix mètres de large : il tiendrait à peine dans la grande cour d'honneur, à Versailles.
La mine était chargée sans doute à 60 000 kilos.
En revenant par le boyau du Bois-Noir, on découvre tout Vauquois, et l'entonnoir, qui en dévore le tiers : on s'arrête court."
André Pézard, Nous autres à Vauquois, 1915-1916, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2001, p. 144-145, 174, 265.

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