Jean-Pierre Raynaud (Courbevoie, 1939), Table
1979, carrelages de faïence
Musée départemental d'Art ancien et contemporain d’Épinal
Après son certificat d'études , Raynaud entre dans une école d'horticulture à Versailles, d'où il sort jardinier diplômé en 1959. Ses premières œuvres (1962) utilisent de façon obsessionnelle les panneaux de sens interdit (« choisir un signe d'arrêt, c'est un peu la fermeture de la maison, c'est un peu ma personnalité »). C'est le moment où il découvre l'art contemporain, en particulier à la galerie J, Klein, Spoerri, Hains, et Tinguely. Il utilise le matériel de jardinage, remplissant de béton des pots qu'il laque en rouge. Dans les Psycho-objets (1964-1968), le pot de fleurs se joint à d'autres objets qui sont du monde de l'enfance (« dans le fond, les Psycho-objets étaient mes contes de fée d'adulte »). Dans les Psycho-collages la répétition sérielle de l'image provoque le malaise, le sentiment de cauchemar, à son comble dans les Murs rouges (1970). À cette époque, avec les Armes (Pistolets mitrailleurs, Poignards, Balles), il abandonne la monochromie , mais non l'obsession : les instruments meurtriers sont uniformément peints des mêmes rouge, vert, jaune et bleu, que l'on retrouve dans les Croix et les Cercueils (1972). Au début des années soixante-dix, il commence à bâtir sa maison ayant mis au point son matériau : carreau de céramique blanche de 15 x 15 cm, module dont il recouvre les murs et le plafond, les joints étant fortement marqués de noir (« j'avais besoin de pureté, de silence, d'absence d'objets et de tapage »). La maison terminée prend l'aspect d'un blockhaus : sa seule ouverture a la forme d'une meurtrière ; des fossés l'entourent, eux-mêmes ceints de murs surmontés de barbelés ; elle est peinte en kaki et recouverte d'un filet de camouflage. En 1975, Raynaud se voit confier la réalisation de 64 vitraux pour l'abbaye cistercienne de Noirlac. Il adapte sa grille, celle des joints de son carrelage, en modulant la structure en fonction des différents lieux, chapelle, réfectoire, rosace de la nef. Cette réussite l'amène à percer des fenêtres dans sa propre maison (les fragments de la démolition sont réutilisés, exposés sur des stèles, ou dans des boites, en une sorte d'auto-archéologie). En 1980, les pots de fleurs font leur réapparition, recouverts de feuilles d'or (comme l'est le Grand Pot doré sous verrière de la fondation Cartier). Dans ses installations spectaculaires récentes - lits blancs d'hôpital à l'ARC en 1985, containers laqués de noir en 1987 - Jean-Pierre Raynaud, inclassable et douloureux, continue à déranger, hanté par le temps qui passe.
Dictionnaire de l'Art moderne et contemporain, Paris, Hazan, 1992, p. 522.
Jean-Pierre Raynaud, Vitraux de l'abbaye de Noirlac
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