Luigi Settembrini (Naples, 1813 - Naples, 1876)
un modèle pour le personnage de Lodovico Settembrini du roman de Thomas Mann
(Heinrich Mann, le frère de Thomas, a aussi servi de modèle pour ses idées démocratiques)
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Le lumineux mentor de Hans Castorp, le « frêle enfant de la vie », c'est l'Italien Lodovico Settembrini, l'un des personnages principaux de La Montagne magique de Thomas Mann. Il est le porte-parole, le truchement, en grande partie, du romancier. Il est toujours habillé d'une veste croisée en lainage grossier, trop longue et à revers énormes, et d'un ample pantalon à carreaux jaune pâle ; ce qui fait dire à Hans Castorp qu'il a l'air d'un joueur d'orgue de Barbarie.
Son grand-père Giuseppe, avocat milanais, grand patriote, agitateur politique, carbonaro, avait lutté pour l'unité et la liberté de l'Italie. Son père avait été « un érudit subtil et discret, un humaniste à son pupitre ». Ce père qui disait que le ciel était fait pour les moineaux.
Quant à Lodovico, il se dit humaniste, homme de lettre et écrivain indépendant, conjuguant les tendances de ses ascendants directs. Sa littérature allie la politique du grand-père et l'humanisme du père. C'est un franc-maçon, un libre-penseur, un ascète, un utopiste. À Bologne, il a été l'élève de Carducci (1835-1907), ancien député du royaume d'Italie, et c'est à lui qu'il doit sa culture. Il est contributeur au grand ouvrage Sociologie des souffrances. C'est un sermonneur, enclin à la pédagogie, qui ne rit jamais, mais qui aime faire de temps en temps des saillies. C'est un sceptique, il ne croit pas aux religions. Il est contre la peine de mort. Il est pour un enseignement libre et ouvert à tous, pour le progrès scientifique. Il est contre la monarchie austro-hongroise et croit en une « guerre civilisatrice » [?] contre elle, afin que l'Italie retrouve son unité.
Voici quelques-unes des paroles de Lodovico Settembrini :
"Il faut spécifier les choses avec force et vérité, cela renforce et élève l'existence."
"La méchanceté, c'est la critique ayant de l'esprit ; or la critique est à l'origine du progrès et des Lumières."
"La musique, c'est le semi-formulé, l'équivoque, l'irresponsable, l'indifférencié. Elle peut enflammer notre cœur, mais c'est tout de même la raison qu'il convient d'enflammer ! La musique m'inspire une aversion d'ordre politique. La musique a ceci d'estimable qu'elle est un ultime vecteur d'enthousiasme, une puissance qui nous élève et nous fait avancer, pour peu qu'elle trouve un esprit déjà formé à ses effets, mais c'est la littérature qui doit prévaloir. À elle seule, la musique ne fait pas progresser le monde."
"La seule manière de considérer la mort qui soit saine et noble, mais aussi RELIGIEUSE, je l'ajoute expressément, consiste à la saisir et à la percevoir comme une partie intégrante de la vie, un corollaire, un préalable sacré, et non point - ce serait tout sauf sain, noble, raisonnable et religieux - à l'en dissocier par l'intellect, à une créer une antinomie, voire à la dresser contre la vie, ce qui serait tout à fait répugnant."
"Gardez-vous de l'ironie. Gardez-vous, d'une façon générale, de cette posture intellectuelle ! Quand elle n'est pas un procédé rhétorique direct et classique, elle se dévergonde, entrave la civilisation, se commet salement avec l'inertie, le démon, le vice."
"Le paradoxe est la fleur vénéneuse du quiétisme, le miroitement ambigu de l'esprit au stade putride, la pire dépravation qui soit !"
"L'analyse est bonne si elle est un instrument des Lumières et de la civilisation, dans la mesure où elle ébranle les sottes convictions, bat en brèche les préjugés naturels, et sape l'autorité ; autrement dit, elle a ceci de bien qu'elle libère, affine, humanise l'esclave et le rend mûr pou la liberté. Elle est mauvaise, fort mauvaise, dans la mesure où elle enraie l'action, endommage la vie à la racine, étant incapable de la façonner."
"Le philanthrope ne saurait admettre la différence entre le politique et le non-politique. Ce dernier n'existe pas, tout est politique."
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