"De la cour on entre dans un grand jardin de quatre arpents, enfermé d'une haie vive. Dans ce jardin il y a un verger planté d'arbres fruitiers en plein vent, toujours chargés de fruits ; on y voit des poiriers, des grenadiers, des orangers, dont le fruit est le charme des yeux, des figuiers d'une rare espèce, et des oliviers toujours verts. Jamais ces arbres ne sont sans fruit, ni hiver, ni l'été. Un doux zéphyr entretient toujours leur vigueur et leur sève ; et pendant que les premiers fruits mûrissent, il en produit toujours de nouveaux. La poire prête à cueillir en fait voir une qui naît ; la grenade et l'orange déjà mûres en montrent de nouvelles qui vont mûrir ; l'olive est poussée par une autre olive, et la figue ridée fait place à une autre qui la suit. D'un autre côté, il y a une vigne qui porte des raisins en toute saison. Pendant que les uns sèchent au soleil, dans un lieu découvert, on coupe les autres, et on foule dans le pressoir ceux que le soleil a déjà préparés ; car les ceps, chargés de grappes toutes noires qui sont prêtes à couper, en laissent voir d'autres toutes vertes qui sont prêtes à tourner et à mûrir. Au bas du jardin, il y a un potager très bien tenu, qui fournit toutes sortes d'herbages, et qui, par ses différents carrés toujours verts et toujours fertiles, réjouit toute l'année celui qui l'entretient. Il y a deux fontaines, dont l'une, se partageant en différents canaux, arrose tout le jardin, et l'autre, coulant le long des murs de la cour, va former devant le Palais un grand bassin qui sert à la commodité des citoyens."
Homère, L'Odyssée, tome 1, traduite par Anne Dacier, [1716], édition de 1818, vers 112-131.
"Et, au delà de la cour, auprès des portes, il y avait un grand jardin de quatre arpents, entouré de tous côtés par une haie. Là, croissaient de grands arbres florissants qui produisaient, les uns la poire et la grenade, les autres les belles oranges, les douces figues et les vertes olives. Et jamais ces fruits ne manquaient ni ne cessaient, et ils duraient tout l'hiver et tout l'été, et Zéphyros, en soufflant, faisait croître les uns et mûrir les autres ; la poire succédait à la poire, la pomme mûrissait après la pomme, et la grappe après la grappe, et la figue après la figue. Là, sur la vigne fructueuse, le raisin séchait, sous l'ardeur de Hélios, en un lieu découvert, et, là, il était cueilli et foulé ; et, parmi les grappes, les unes perdaient leurs fleurs tandis que d'autres mûrissaient. Et à la suite du jardin, il y avait un verger qui produisait abondamment toute l'année. Et il y avait deux sources, dont l'une courait à travers tout le jardin, tandis que l'autre jaillissait sous le seuil de la cour, devant la haute demeure, et les citoyens venaient y puiser de l'eau."
Les vers 112-131 de l'Odyssée, traduction de Leconte de Lisle, 1877.
"Aux côtés de la cour, on voit un grand jardin, avec ses quatre arpents enclos dans une enceinte. C'est d'abord un verger dont les hautes ramures, poiriers et grenadiers et pommiers aux fruits d'or et puissants oliviers et figuiers domestiques, portent, sans se lasser ni s'arrêter, leurs fruits ; l'hiver comme l'été, toute l'année, ils donnent ; l'haleine du Zéphyr, qui souffle sans relâche, fait bourgeonner les uns, , et les autres donner la jeune poire auprès de la poire vieillie, la pomme sur la pomme, la grappe sur la grappe, la figue sur la figue. Plus loin, chargé de fruits, c'est un carré de vignes, dont la moitié sans ombre, au soleil se rôtit, et déjà l'on vendange et l'on foule les grappes ; mais dans l'autre moitié, les grappes encore vertes laissent tomber la fleur ou ne font que rougir. Enfin, les derniers ceps bordent les plates-bandes du plus soigné, du plus complet des potagers ; vert en toute saison, il y coule deux sources ; l'une est pour le jardin, qu'elle arrose en entier, et l'autre, sous le soleil de la cour, se détourne vers la haute maison, où s'en viennent à l'eau tous les gens de la ville."
Les vers 112-131 de l'Odyssée, traduction de Victor Bérard, 1931, Folio Gallimard, 1999, p. 138.
"En sortant de la cour, près des portes, se trouve un grand
jardin de quatre arpents tout entouré de murs.
Là de grands arbres ont poussé avec richesse,
Là de grands arbres ont poussé avec richesse,
des poiriers, des pommiers aux fruits brillants, des grenadiers,
des figuiers doux, des oliviers en pleine force.
Ni l'été ni l'hiver les fruits ne font défaut,
toute l'année les arbres donnent, et sans relâche
un doux Zéphyr fait bourgeonner les uns, mûrir les autres.
La poire vieillit sur la poire, la pomme sur la pomme,
la grappe sur la grappe, et les figues l'une sur l'autre.
Là fut aussi planté une vigne opulente
dont une part, sur une terrasse exposée,
sèche au soleil ; en ce lieu déjà, on vendange,
en cet autre on foule les grappes ; devant, des ceps
perdent leurs fleurs, d'autres commencent à rougir.
Après le dernier rang de ceps, de belles plates-bandes
donnent toutes les plantes et verdoient en toute saison.
En ce jardin deux sources coulent ; l'une arrose
le clos entier, et l'autre, sous le seuil, s'en va
vers la haute demeure, où puisent les gens de la ville."
Les vers 112-131 de l'Odyssée, traduits en vers libres par Philippe Jaccottet, Paris, Le Club Français du Livre, 1955, p. 128. Cette traduction de l'Odyssée que j'ai lue en 1957. Relu l'Odyssée en 2021 en collection Folio Gallimard.
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