"M. de Charlus lui [Charles Morel] disait impérieusement : "Demandez au maître d'hôtel s'il a du bon chrétien. - Du bon chrétien ? je ne comprends pas. - Vous voyez bien que nous sommes au fruit, c'est une poire. Soyez sûr que Mme de Cambremer en a chez elle, car la comtesse d'Escarbagnas, qu'elle est, en avait. M. Thibaudier la lui envoie et elle dit : "Voilà du bon chrétien qui est fort beau." - Non, je ne savais pas. - Je vois du reste que vous ne savez rien. Si vous n'avez même pas lu Molière... Hé bien, puisque vous ne devez pas savoir commander, plus que le reste, demandez tout simplement une poire qu'on recueille justement près d'ici, la louise-bonne d'Avranches. - La... ? - Attendez, puisque vous êtes si gauche, je vais moi-même en demander d'autres, que j'aime mieux. Maître d'hôtel, avez-vous de la doyenné des comices ? Charlie, vous devriez lire la page ravissante qu' a écrite sur cette poire la duchesse Émilie de Clermont-Tonnerre. - Non, Monsieur, je n'en ai pas. - Avez-vous du triomphe de jodoigne ? - Non, Monsieur. - De la virginie-ballet ? de la passe-colmar ? Non ? eh bien, puisque vous n'avez rien nous allons partir. La duchesse-d'angoulême n'est pas encore mûre ; allons Charlie, partons."
Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, Le Livre de Poche Classique, 1993, p. 502.
"Mon grand-père, de tout temps, avait été en matière de poire un amateur et un connaisseur. Il distinguait, à l'apparence, au goût, les yeux fermés, presque à l'odeur et au toucher, la Conférence de la Louise-Bonne, la Doyenné du Comice de la Passe-Crassane, la Duchesse d'Angoulême ou la Comtesse de Paris de la Sucrée de Montluçon, la Bon Chrétien William de la Beurré Hardy."
Jean d'Ormesson, Au Plaisir de Dieu, Œuvres I, Bibliothèque de la Pléiade, p. 978-979.
Marcel Proust est souvent cité et parfois modifié (le petit pan de mur jaune devenant la petite toque de soie jaune dans un long texte cité) dans les œuvres de Jean d'Ormesson. Au sujet des variétés de poires d'Au Plaisir de Dieu, il n'y a pas de doute qu'il faut y voir une référence intentionnelle (un clin d’œil) à Marcel Proust.
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