samedi 25 novembre 2017

la cérémonie d'entrée en guerre d'un chef indien de Floride


R. Saturiona (le roi Satouriona)


Comment le chef indien Satouriona accomplissait sa cérémonie de guerre
dessin de Jacques Le Moyne, gravure de Théodore de Bry, 1591
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Les guerriers s'assemblaient en un  cercle rapproché autour de leur chef. A sa gauche, un feu brûlait, à sa droite, deux grands récipients plein d'eau. Le chef roulait ses yeux et, gesticulant beaucoup, grognait comme s'il était pris d'un accès de colère. Quelquefois, il poussait des cris terrifiants qui étaient répétés par ses guerriers, et ceux-ci frappaient bruyamment leurs armes contre leurs cuisses. Ensuite, il prenait un bol qu'il levait vers le soleil, plein de respect et d'humilité, demandant la victoire sur ses ennemis, que leur sang soit répandu comme l'eau de ce bol. Alors, il jetait l'eau dans l'air afin qu'elle éclabousse ses guerriers, déclarant "faites ce que j'ai fait avec le sang de vos ennemis". Puis, versant l'eau de l'autre récipient dans le feu, il s'écriait " c'est ainsi que vous devez exterminer vos ennemis et prendre leurs scalps".

Brevis narratio eorum quae in Florida Americae provincia Gallis acciderunt, secunda in illam navigatione duce Renato de Landonniere Classis praefecto anno M. D. LXIIII . Quae est secunda pars Americae... Auctore Jacobo Le Moyne cui cognomen de Morgues,... Nunc primum gallico sermone a Theodoro de Bry,... in lucem edita : latio vero donata a C. C. A., Pl. XI.
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"La cérémonie dont usa ce sauvage (Satouriona) avant de s'embarquer ne mérite d'estre mise en oubly : car s'estant assis au long de la rivière, environné de dix autres Paracousis, il commanda que promptement on luy apportast de l'eau. Ce fait, jettant la veuë au ciel, se mit à discourir de plusieurs choses en gestes, ne monstrant rien en luy qu'une ardente cholère, qui tantost luy faisoit bransler la teste ça et là, tantost, par un courroux je ne sçay quel, tourner sa veue vers la part de ses ennemis, et les menacer à mort. Il jettoit souvent son regard au soleil, luy requerant victoire glorieuse de ses ennemis. Ce qu'ayant fait par l'espace d'une demie heure, il versa avec la main sur les testes des Paracousis quelque portion de l'eau qu'il tenoit en un vaisseau, et jetta le reste, comme par furie et despit, dans un feu, lequel estoit là préparé tout exprès. Ce faisant, il s'écria par trois fois : He Thimogoa ; et fut suivy de bien cinq cens Indiens qui là estoient assemblez, lesquels crièrent tous d'une mesme voix : He Thimogoa. Cette cérémonie, à ce qu'un Indien m'en a familièrement recité, ne signifioit autre chose que Satouriona suplioit au soleil de luy octroyer victoire si heureuse, qu'il peust espandre le sang de ses ennemis, ainsi qu'il avoit espandu ceste eau à son plaisir : davantage que les Paracousis, arrousez d'une partie de cette eau, peussent retourner avec les testes de leurs ennemis, qui est le seul et souverain triomphe de leurs victoires."

René de Laudonnière, L'histoire notable de la Floride située ès Indes Occidentales : contenant les trois voyages faits en icelle par certains capitaines et pilotes français / descrits par le capitaine Laudonnière ... ; mise en lumière par M. Basanier,.... à laquelle a esté adjousté un Quatriesme voyage fait par le capitaine Gourgues, Paris, P. Jannet, 1853, p. 98-99.
Réédition de René de Laudonnière, L'Histoire notable de la Floride situee es Indes Occidentales, Paris, 1586.

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