"Que l'Espagne ait bien ou mal fait de se priver de la laborieuse et prolifique population morisque, peu importe ! pourquoi l'a-t-elle fait ?
Avant tout, parce que le Morisque est resté inassimilable. L'Espagne n'a pas agi par haine raciale (laquelle semble presque absente dans cette lutte) mais par haine de civilisation, de religion. Et l'explosion de sa haine, l'expulsion, est l'aveu de son impuissance. La preuve que le Morisque, après un, deux, trois siècles suivant les cas, était resté le Maure d'autrefois : costume, religion, langue, maisons cloîtrées, bains maures - il avait tout conservé. Il s'était refusé à la civilisation occidentale ; et c'est l'essentiel du débat. Quelques brillantes exceptions, sur le plan religieux - ou ce fait indéniable que les Morisques des villes adoptaient de plus en plus le costume des vainqueurs - n'y changent rien. Le Morisque est resté lié de cœur à un monde immense qui s'étendait, on le savait en Espagne, jusqu'à la Perse lointaine, avec des maisons, des mœurs analogues et des croyances identiques."
Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II. 2ème partie, Destins collectifs et mouvements d'ensemble, Le Livre de Poche références, 1993, p. 531-532.
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