"La peste et les autres épidémies ne sont graves qu'aux époques de difficultés matérielles et alimentaires. Famines et épidémies se tiennent par la main, vieille vérité que l'Occident connaît depuis longtemps. Depuis longtemps aussi, chaque ville essaie de se défendre contre le mal, par des désinfections à base de plantes aromatiques, la destruction par le feu des objets appartenant aux pestiférés, la quarantaine des personnes et des marchandises (Venise a été, en ce domaine, une initiatrice), l'embauche de médecins, l'usage des billets sanitaires, les cartas de salud d'Espagne, les fedi di sanità d'Italie. Les riches, depuis toujours, trouvent leur salut dans une fuite précipitée. Le mal s'annonce-t-il, ils se sauvent vers les villes voisines ou, le plus souvent, vers leurs précieuses maisons de campagne. << Je n'ai jamais vu ville entourée de plus de fermes et de maisons de plaisance, écrit Thomas Platter quand il arrive à Marseille, en 1587. La raison en est qu'en temps de peste (chose fréquente à cause du grand nombre de gens venus de tous pays), les habitants se réfugient à la campagne. >> Par les habitants, il faut entendre les riches, les pauvres restant dans toute ville atteinte par le mal et dès lors, assiégée, tenue en suspicion, ravitaillée du dehors avec libéralité, pour qu'elle se tienne à peu près tranquille. C'est là, comme l'a noté René Baehrel, un vieux conflit, à l'origine de solides haines de classes.
Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, 1ère partie, La Part du milieu, Le Livre de Poche références, 1993, p. 407-408.
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