mercredi 20 mars 2024

quelques pensées de Joubert


La moitié de moi se moque de l'autre.

Être éclairé, c'est un grand mot ! Il y a certains hommes qui se croient éclairés, parce qu'ils sont décidés, prenant ainsi la conviction pour la vérité, et la forte conception pour l'intelligence. Il en est d'autres qui, parce qu'ils savent tous les mots, croient savoir toutes les vérités.

Chaque esprit a sa lie.

L'âge a ses glaçons ; ils se sentent sur les genoux, sur les coudes, sur tous les nœuds ; ils vont au cœur, mais ils n'y arrivent qu'à la fin.

Ce qu'il y a de pire dans l'erreur, ce n'est pas ce qu'elle a de faux, mais ce qu'elle a de volontaire, d'aveugle et de passionné. 

Il faut recevoir le passé avec respect, et le présent avec défiance, si l'on veut pourvoir à la sûreté de l'avenir.

Il faut avoir une âme poétique et un esprit géométrique.

Naturellement, l'esprit s'abstient de juger ce qu'il ne connaît pas. C'est la vanité qui le force à prononcer quand il voudrait se taire.

Les idées exagérées de compassion, d'humanité, conduisent à la cruauté.

Le soin du corps et l'apprentissage des arts, la négligence de l'esprit et l'ignorance des devoirs, sont les caractères de l'éducation nouvelle.

La justice sans force, la force sans justice, malheurs affreux.

Il est impossible de devenir très instruit si on le lit que ce qui plaît.

La vieillesse est amie de l'ordre, par cela même qu'elle est amie du repos. Elle aime l'arrangement autour d'elle, comme un moyen de commodité, comme épargnant la peine, et facilitant les souvenirs.

L'esprit consiste à avoir beaucoup de pensées inutiles, et le bon sens, à être bien pourvu des notions nécessaires. 

La sagesse est la force des faibles.

Les maximes sont à l'intelligence ce que les lois sont aux actions ; elles n'éclairent pas, mais elles guident, elles dirigent, elles sauvent aveuglément. C'est le fil dans le labyrinthe, la boussole pendant la nuit.

On se trompe par supériorité et par médiocrité.

À les entendre, on croirait que rien n'est si aisé que de dire ce qu'on pense et il n'est pas même aisé de le savoir au juste.

Vous voulez tout expliquer par les faits qui vous sont connus. Mais les faits que vous ignorez ? Que diraient-ils ? 

Le son du tambour dissipe les pensées. C'est par cela que cet instrument est éminemment militaire.

Ce ne sont pas les faits, mais les bruits qui causent les émotions populaires.

Nous suivons volontiers ceux qui veulent nous conduire où nous voulons aller. C'est ce qui explique l'ascendant de tant d'orateurs et la vogue de tant de livres. Ils flattaient l'esprit de leur siècle, les erreurs du moment, les goûts ou les passions du jour.

Nous vivons dans un siècle où les idées superflues surabondent, et qui n'a pas les idées nécessaires.

Un peu de tout, rien à souhait : grand moyen d'être modéré, d'être sage, d'être content.

Le succès sert aux hommes de piédestal ; il les fait paraître plus grands, si la réflexion ne les mesure.

Les enfants n'obéissent aux parents que lorsqu'ils voient les parents obéir à la règle. L'ordre et la règle, une fois établis et reconnus, sont la plus forte des puissances.

Les enfants doivent avoir pour amis leurs camarades, et non pas leurs pères et leurs maîtres. Ceux-ci ne doivent être que leurs guides.

Il faut apprendre aux enfants le terme propre et leur laisser trouver le terme figuré.

La sévérité rend les parents plus tendres. On aime ceux dont on est craint d'une crainte respectueuse.

La jeunesse voudrait que tout fût nouveau, comme elle, dans le monde. La vieillesse aime ce qui est ancien. Il faut aimer ce qui est sensé.

Dans l'embarras de savoir quelle est l'opinion la plus vraie, il faut choisir la plus honnête.

Le bon sens est de savoir ce qu'il faut faire, le bon esprit, de savoir ce qu'il faut penser.

La passion ou l'émotion ne donne à l'homme qu'un caractère d'un moment.

La plupart de nos erreurs viennent des mots dont nous usons.

Rien ne rapetisse l'homme comme les petits plaisirs.

Les journaux et les livres sont plus dangereux en France qu'ailleurs, parce que tout le monde y veut avoir de l'esprit ; et ceux qui n'en ont pas en supposent toujours beaucoup à l'auteur qu'ils lisent, et se hâtent de penser ou de parler comme lui.

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C'est en 1838 que Chateaubriand publia le Recueil de pensées de M. Joubert (1754-1824).

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