mardi 19 octobre 2021

POUR PLAISIR, ENNUI SAISIR ME VIENT

Tu es, tout seul, tout mon mal et mon bien :
Avec toy tout, et sans toy je n'ay rien :
Et, n'ayant rien qui plaise à ma pensee,
De tout plaisir me treuve delaissee,
Et, pour plaisir, ennui saisir me vient.
Le regretter et plorer me convient,
Et sur ce point entre en tel desconfort,
Que mile fois je souhaite la mort.
Ainsi, Ami, ton absence lointeine
Depuis deus mois me tient en cette peine,
Ne vivant pas, mais mourant d'une Amour
Lequel m'occit dix mile fois le jour.
Revien donq tot, si tu as quelque envie
De me revoir encor'un coup en vie !
Et si la mort avant ton arrivee
Ha de mon corps l'aymante ame privee,
Au moins un jour vien, habillé de dueil,
Environner le tour de mon cercueil.
Que plust à Dieu que lors fussent trouvez
Ces quatre vers en blanc marbre engravez :
PAR TOY, AMI, TANT VESQUI ENFLAMMEE,
QU'EN LANGUISSANT PAR FEU SUIS CONSUMEE,
QUI COUVE ENCOR SOUS MA CENDRE EMBRAZEE,
SI NE LA RENS DE TES PLEURS APAIZEE.

Louise Labé, Les derniers vers de l'Élégie II. Poètes du XVIe siècle, Bibliothèque de la Pléiade, 1953, p. 277-278.

À l'occasion de la parution de l'œuvre de Louise Labé dans la Bibliothèque de la Pléiade.

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