lundi 1 février 2016

Phasélis en Lycie par Henri Stierlin et Jean d'Ormesson


Jacques Elsner, Sites antiques du sud-ouest de l'Anatolie, 1986. Carte page 101.


 Le petit port nord de Phasélis, Turquie


Les ruines de l'aqueduc romain de Phasélis
(photos JLJ octobre 1991)
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D'après Pausanias, le temple de Minerve de Phasélis conservait la lance d'Achille...
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En arrivant à Phasélis, la cité aux trois ports disposés de part et d'autre d'un promontoire qui domine la mer, le voyageur ne peut s'empêcher d'imaginer la découverte des sites antiques par les dilettanti du siècle passé : envahie par la forêt, la ville n'est guère délivrée de sa gangue de végétation que par des éclaircies pratiquées récemment  autour des bâtiments encore debout. Ce déboisement a eu lieu surtout dans le théâtre adossé à l'acropole et dans lequel avait poussé de grands pins dont les racines s'enfonçaient entre les sièges qu'elles faisaient basculer.
Murs de maisons et de temples, avenues bordées autrefois de statues et de colonnades, arcades d'un aqueduc courant sous les frondaisons, tous ces vestiges revêtent à Phasélis une charmante nostalgie. Mais c'est la présence des deux digues du petit port central, encore visibles sous l'eau ou émergeant à peine au gré des seiches de la Méditerranée, qui fascine le plus : on y constate la mise en oeuvre d'une technique très sûre à laquelle recoure les Anciens pour l'aménagement de leur installations portuaires. Ces digues sont en effet réalisées au moyen de gros blocs réguliers, soigneusement appareillés par lits horizontaux et cramponnés au bronze pour assurer la résistance à l'assaut des vagues.
Henri Stierlin, Grèce d'Asie, Paris, Éditions du Seuil, 1986, p. 140-141 et pl. 107.

A une cinquantaine de kilomètres au nord et à l'ouest d'Antalya, au pied d'une haute montagne de près de deux mille cinq cents mètres sur un promontoire allongé entre deux baies s'étendait la ville de Phasélis.
L'histoire de ce comptoir situé sur une route maritime fréquentée de tout temps par les marins grecs et phéniciens est aussi compliquée que  celle de toute cette côte qui a vu défiler, de la guerre de Troie jusqu'à la conquête turque, tant de commerçants et tant de conquérants. Alexandre le Grand, bien entendu, passa par Phasélis et s'y installa quelques mois. On le comprend. Le décor est unique. Entre les deux ports où les rochers et les pins se reflètent dans une eau transparente s'élève, comme partout ailleurs dans le monde hellénique, tout ce qu'il faut à la mort et d'abord à la vie : une nécropole, des thermes, une large voie monumentale aux allures d'agora, un théâtre et une acropole. Quand près de cinq cents ans après Alexandre, Hadrien, cher à Marguerite Yourcenar, vient à son tour rendre visite à Phasélis, on construisit une porte à son honneur.
Phasélis n'a pas joué dans l'histoire le rôle de Pergame ou d’Éphèse. Ce n'est pas une de ces villes antiques dont le nom est connu de tous. Très peu de villes, pourtant, à n'importe quelle époque et dans n'importe quelle région, auront joui d'une situation comparable à celle de Phasélis. C'est un lieu magique où l'équilibre entre l'histoire et la mer, entre les monuments et les montagnes, entre nature et culture, comme ils disent, fait rêver longtemps sur ce que pouvait être le bonheur de l'hellénisme en train de naître. Il y a eu ici, comme ailleurs, et peut-être plus qu'ailleurs, beaucoup de tragédies et de sang. Mais du théâtre en ruine et de l'acropole envahie par la végétation, on voit, de tous les côtés, la mer briller entre les pins... Mieux vaut, avant de mourir, avoir vu Phasélis.
Jean d'Ormesson, Des nouvelles de Phasélis.



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