dimanche 14 décembre 2025

l'évasion du cardinal de Retz du château de Nantes, épisode 2, la fuite à cheval

Aussitôt que je fus à cheval, je pris la route de Mauve, qui est, si je ne me trompe, à cinq lieues de Nantes, sur la rivière, et où nous étions convenus  que M. de Brissac et M. le chevalier de Sévigné m'attendraient avec un bateau pour la passer. La Ralde, écuyer de M. le duc de Brissac, qui marchait devant moi, me dit qu'il fallait galoper d'abord pour ne pas donner le temps aux gardes du Maréchal de fermer la porte d'une petite rue du faubourg où était leur quartier, et par laquelle il fallait nécessairement passer. J'avais un des meilleurs chevaux du monde, et qui avait coûté mille écus à M. de Brissac. Je ne lui abandonnai pas toutefois la main, parce que le pavé était très mauvais et très glissant ; mais un gentilhomme à moi, qui s'appelait Boisguérin, m'ayant crié de mettre le pistolet à la main, parce qu'il voyait deux gardes du Maréchal, qui ne songeaient pourtant pas à nous, je l'y mis effectivement ; et en le présentant à la tête de celui des gardes qui était le plus près de moi, pour l'empêcher de se saisir de la bride de mon cheval, le soleil, qui était encore haut, donna dans la platine ; la réverbération fit peur  à mon cheval, qui était vif et vigoureux ; il fit un grand soubresaut, et il retomba des quatre pieds. J'en fus quitte pour l'épaule gauche qui se rompit contre la borne d'une porte. Un gentilhomme à moi, appelé Beauchesne, me releva ; il me remit à cheval ; et, quoique je souffrisse des douleurs effroyables et que je fusse obligé de me tirer les cheveux, de temps en temps, pour m'empêcher de m'évanouir, j'achevai ma course de cinq lieues devant que Monsieur le Grand Maître [de l'artillerie, le fils de La Meilleraye], qui me suivait à toute bride avec tous les cocus de Nantes, au moins si l'on en veut croire la chanson de Marigni, m'eût pu joindre.

Mémoires du Cardinal de Retz, Bibliothèque de la Pléiade, 1956. Épisode 2, p. 793-794.

samedi 13 décembre 2025

l'évasion du cardinal de Retz du château de Nantes, épisode 1, la corde et le bâton

[Du château de Vincennes, Retz a été transféré au château de Nantes le 30 mars 1654.] 
Je vous ai déjà dit que je m'allais quelquefois promener sur une manière de ravelin, qui répond sur la rivière de Loire ; et j'avais observé que, comme nous étions au mois d'août, la rivière ne battait pas contre la muraille et laissais un petit espace de terre entre elle et le bastion. J'avais aussi remarqué qu'entre le jardin qui était sur le bastion et la terrasse sur laquelle mes gardes demeuraient quand je me promenais, il y avait une porte que Chalucet y avait fait mettre pour empêcher les soldats d'y aller manger son verjus. Je formai sur ces observations mon dessein, qui fut de tirer, sans faire semblant de rien, cette porte après moi, qui, étant à jour par des treillis, n'empêcherait pas les gardes de me voir, mais qui les empêcherait au moins de pouvoir venir à moi ; de me faire descendre par une corde que mon médecin et l'abbé Rousseau, frère de mon intendant, me tiendraient, et de faire trouver des chevaux au bas du ravelin et pour moi et pour quatre gentilhommes que je faisais état de mener avec moi. Ce projet était d'une exécution très difficile. Il ne se pouvait exécuter qu'en plein jour, entre deux sentinelles qui n'étaient qu'à trente pas l'une de l'autre, à la portée du demi-pistolet de mes six gardes, qui me pouvaient tirer à travers les barreaux de la porte. Il fallait que les quatre gentilhommes qui devaient venir avec moi et favoriser mon évasion fussent bien  justes à se trouver au bas du ravelin, parce que leur apparition pouvait aisément donner de l'ombrage.
Je me sauvai un samedi 8 août [1654], à cinq heures du soir ; la porte du petit jardin se referma après moi presque naturellement ; je descendis, un bâton entre les jambes [à califourchon sur une pièce de bois dite palonnier à laquelle était fixée une solide corde de 15 brasses de long], très heureusement, du bastion, qui avait quarante pieds de haut. Un valet de chambre, qui est encore à moi, qui s'appelle Fromentin, amusa mes gardes en les faisant boire. Ils s'amusaient eux-mêmes à regarder un jacobin qui se baignait et qui, de plus, se noyait. La sentinelle, qui était à vingt pas de moi, mais en lieu d'où elle ne pouvait pourtant me joindre, n'osa me tirer, parce que, lorsque je lui vis compasser sa mèche, je lui criai que je le ferais pendre si il tirait, et il avoua, à la question, qu'il crut, sur cette menace, que le Maréchal [Charles de La Porte, duc de La Meilleraye], était de concert avec moi. Deux petits pages qui se baignaient, et qui, me voyant suspendu à la corde, crièrent que je me sauvais, ne furent pas écoutés, parce que tout le monde s'imagina qu'ils appelaient les gens au secours du jacobin qui se baignait. Mes quatre gentilhommes se trouvent à point nommé au bas du ravelin, où ils avaient fait semblant de faire abreuver leurs chevaux, comme si ils eussent voulu aller à la chasse. Je fus à cheval moi-même, devant qu'il y eût seulement la moindre alarme, et, comme j'avais quarante-deux relais posés entre Nantes et Paris, j'y serais infailliblement le mardi à la pointe du jour, sans un  accident que je puis dire avoir été le fatal et le décisif du reste de ma vie.

Mémoires du Cardinal de Retz, Bibliothèque de la Pléiade, 1956. Épisode 1, p. 789 et 792.

vendredi 12 décembre 2025

Arthur Rimbaud marchand de fusils au Harar


"N'allez pas croire que je sois devenu marchand d'esclaves. Les marchandises que nous importons sont des fusils (vieux fusils à piston réformés depuis 40 ans) qui valent chez les marchands de vieilles armes, à Liège ou en France, 7 ou 8 francs la pièce. Au roi du Choa, Ménélick II, on les vend une quarantaine de francs ; mais il y a dessus des frais énormes, sans parler des dangers de la route, aller et retour. Les gens de cette route sont les Dankalis, pasteurs bédouins et musulmans fanatiques : ils sont à craindre. Il est vrai que nous marchons avec des armes à feu et que les bédouins n'ont que des lances. Toutes les caravanes cependant sont attaquées."
Lettres de Jean-Arthur Rimbaud, Égypte, Arabie, Éthiopie, avec une introduction et des notes de Paterne Berrichon, Paris, Sté du Mercure de France, 1899, p. 195-196. Extrait d'une lettre du 3 décembre 1885.  

jeudi 11 décembre 2025

la maison de Pierre Loti


J'ai visité la maison de Pierre Loti en 1983

 


Presses de la Renaissance - 1986

mercredi 10 décembre 2025

le bien public et la course aux offices

L'expression de « bien public » n'est pas un vague slogan. Il s'agit d'une notion d'origine savante, commune à la philosophie et au droit, mais n'en avait pas moins pris place au cœur du dialogue politique depuis le XIIIe siècle. Et si les féodaux l'empruntent pour désigner leur rébellion contre le roi, c'est qu'elle est chargée d'une signification politique très forte et possède une puissante charge mobilisatrice : elle implique une mystique de la solidarité de tous, à laquelle le roi se doit de se conformer pour être obéi et aimé. Mais le manque de sincérité des prétentions réformatrices des princes rebelles apparaît au premier coup d'œil. Le Bien public,  « converti en bien particulier », devient une addition d'intérêts distincts. Ce qui motive les féodaux, c'est la course aux « offices ».
Joël Blanchard, Philippe de Commynes, Paris, Fayard, 2006, p. 64.

dimanche 7 décembre 2025

portrait de Fanny de Pixerécourt, tableau du Musée des Beaux-Arts de Nancy


 Adèle de Romance, dite Romany (1769-1846), Portrait d'Anne Françoise Guilbert de Pixerécourt
dite Fanny de Pixerécourt, détail, 1827, huile sur toile, 147 x 115 cm
Musée des Beaux-Arts de Nancy
© Metz, Laurianne Kieffer

Anne Françoise Guilbert de Pixerécourt (1799-1860), dite Fanny de Pixerécourt, était la fille du dramaturge René-Charles Guilbert de Pixerécourt (Nancy, 1773 - Nancy, 1844) et épouse (8 août 1820) de Pierre Bergère (1785-1878), officier, commandant de l'Ecole militaire de Metz en 1837 et général de brigade en 1845. 

Carole Blumenfeld, "Adèle de Romance, le roman d'une portraitiste", dans L'Objet d'Art, septembre 2025, p. 57 reproduction du tableau en pleine page.

samedi 6 décembre 2025

Arthur Rimbaud et sa tumeur synovite du genou droit

"Voyant toujours augmenter l'enflure de mon genou droit et la douleur dans l'articulation, sans pouvoir trouver aucun remède ni aucun avis, puisqu'au Harrar nous sommes au milieu des nègres et qu'il n'y a point là de médecins, je me décidai à descendre. Il fallait abandonner les affaires : ce qui n'était pas très facile, car j'avais de l'argent dispersé de tous les côtés ; mais enfin je liquidai à peu près. Depuis une vingtaine de jours, j'étais couché au Harrar et dans l'impossibilité de faire un seul mouvement, souffrant des douleurs atroces et ne dormant jamais. Je louai seize nègres porteurs, à raison de 15 thalaris l'un, du Harrar à Zeilah ; je fis fabriquer une civière recouverte d'une toile, et c'est là-dedans que je viens de faire, en douze jours, les 300 kilomètres de désert qui séparent les monts du Harrar du port de Zeilah. Inutile de vous dire quelles souffrances j'ai subies en route. Je n'ai jamais pu faire un pas hors de ma civière ; mon genou gonflait à vue d'œil, et la douleur augmentait continuellement.
Arrivé ici [Aden], je suis entré à l'hôpital européen. Il y a une seule chambre pour les malades payants : je l'occupe. Le docteur anglais, dès que je lui ai eu montré mon genou,  a crié que c'était une tumeur synovite arrivée à un point très dangereux, par suite du manque de soins et de fatigues. Il parlait d'abord de couper la jambe ; ensuite, il a décidé d'attendre quelques jours pour voir si le gonflement, avec les soins médicaux, diminuerait un peu."
Lettres de Jean-Arthur Rimbaud, Égypte, Arabie, Éthiopie, avec une introduction et des notes de Paterne Berrichon, Paris, Sté du Mercure de France, 1899, p. 244-245. Extrait d'une lettre écrite à Aden le 30 avril 1891.  

saint Nicolas, le saint patron de la Lorraine

mardi 2 décembre 2025

la plainte d'Arthur Rimbaud lorsqu'il était au Harar en 1883

"La solitude est une mauvaise chose, ici-bas ; et je regrette de ne pas être marié et de n'avoir une famille à moi. Mais, à présent, je suis condamné à errer, attaché à une entreprise lointaine ; et, tous les jours je perds le goût pour le climat et les manières de vivre et même la langue de l'Europe.
Hélas ! à quoi servent ces allées et venues, et ces fatigues et ces aventures chez des races étrangères, et ces langues dont on se remplit la mémoire, et ces peines sans nom, - si je ne dois pas un jour, après quelques années, pouvoir me reposer dans un endroit qui me plaise à peu près et trouver une famille, et avoir au moins un fils que je passe le reste de ma vie à élever à mon idée, à orner et à armer de l'instruction la plus complète qu'on puisse atteindre à cette époque, et que je voie devenir un ingénieur renommé, un homme puissant et riche par la science ? Mais qui sait combien peuvent durer mes jours, dans ces montagnes-ci ? Et je puis disparaître, au milieu de ces peuplades, sans que la nouvelle en ressorte jamais."
Lettres de Jean-Arthur Rimbaud, Égypte, Arabie, Éthiopie, avec une introduction et des notes de Paterne Berrichon, Paris, Sté du Mercure de France, 1899, p. 151. Extrait d'une lettre du 6 mai 1883.   

mercredi 26 novembre 2025

on ne doute point parce que la chose est partout répétée

"Que Pyrot eût volé les quatre-vingt mille bottes de foin, personne autant dire n'hésita un moment à la croire. On ne douta point, parce que l'ignorance où l'on était de cette affaire ne permettait pas le doute qui a besoin de motifs, car on ne doute pas sans raisons comme on croit ans raisons. On ne douta point parce que la chose était partout répétée et qu'à l'endroit du public répéter c'est prouver. On ne douta point parce qu'on désirait que Pyrot fût coupable et qu'on croit ce qu'on  désire, et parce qu'enfin la faculté de douter est rare parmi les hommes ; un très petit nombre d'esprits en portent en eux les germes, qui ne se développent pas sans culture."
Anatole France, L'Île des pingouins, Paris, Calmann-Lévy, 1925, p. 244.

l'assassinat de Jean sans Peur, au pont de Montereau, le 10 septembre 1419

Assassinat de Jean sans Peur au pont de Montereau

"Les gens du duc de Bourgogne [Jean sans Peur] et ceux du dauphin [le futur Charles VII] vinrent examiner le pont ; ils en garantirent la solidité.
Le dauphin arriva le premier ; le duc de Bourgogne ensuite. 
- Venez donc, dit au duc un  des gens du dauphin, monseigneur vous attend.
- Je vais à lui, reprit le duc, en continuant de s'avancer, et quand il fut près du dauphin, il mit un genou en terre.
Le jeune prince, sans aucun témoignage d'attention, lui dit assez durement :
- Il y a quinze jours que je vous attends, mon cousin ; pendant cela nos troupes fatiguent les habitants et les Anglais profitent de ces délais pour avancer vers Paris.
Comme ici le duc restait toujours agenouillé, un  des seigneurs de sa suite lui dit :
- Relevez-vous donc, mon seigneur, c'est trop s'humilier.
Le duc, debout, dit alors au dauphin qu'il ne pouvait rien sans l'aveu du roi [Charles VI], et qu'il fallait se rendre à l'instant l'un  et l'autre auprès du monarque. 
- Je n'ai pas besoin  de vos avis sur cela, répondit le dauphin ; j'irai voir le roi quand je voudrai.
- Vous y viendrez tout de suite, dit le duc ; puis mettant une main  sur la garde de son épée, et l'autre sur le collet du dauphin, il fit des yeux  un signal aux gens de son parti. Tanneguy Duchâtel, saisissant la situation, pousse alors le duc par les épaules, dégage le dauphin, que ses gentilhommes font repasser de l'autre côté de la barrière, et lui, Duchâtel poursuivant avec raison la vengeance de l'injure que son maître vient de recevoir, frappe le duc de sa hache, le blesse au visage et au poignet ; le duc tombe sur ses genoux, les coups redoublent, les meurtriers l'environnent ; on l'achève. Layet et Froilier lui plongent leurs épées dans le corps, au défaut de son haubergeon. Noailles, le seul partisan du duc qui se mit en défense, reçut plusieurs blessures, dont il mourut peu après ; les autres seigneurs bourguignons furent faits prisonniers, excepté Montaigu qui trouva le secret de s'évader."
Histoire secrète d'Isabelle de Bavière, reine de France, Œuvres complètes du marquis de Sade, tome XV, Paris, Au Cercle du Livre précieux, 1967, p. 450-451

Voir aussi :
Alexandre Dumas, Isabel de Bavière, tome II, Paris, Michel Lévy Frères, 1848, p. 162 :
"Le duc se releva, ne croyant pas sans doute devoir en entendre d'avantage ; et, comme dans l'humble posture qu'il, avait prise, une des ciselures de la poignée de son épée s'était accrochée à une maille de haubergeon, il voulut faire reprendre à cette arme sa position verticale : le dauphin recula d'un pas, ne sachant pas quelle était l'intention du duc en touchant son épée.
- Ah ! vous portez la main  à votre épée en présence de votre maître ! s'écria Robert de Loire en se jetant entre le duc et le dauphin.
Le duc voulut parler. Tanneguy se baissa, ramassa une courte hache cachée derrière la tapisserie ; puis se redressant de toute sa hauteur : Il est temps ! dit-il en levant sa hache sur la tête du duc.
Le duc vit le coup qui le menaçait ; il voulut le parer de la main gauche, tandis qu'il portait la droite à la garde de son épée, mais il n'eut pas même le temps de la tirer : la hache de Tanneguy tomba, abattant la main gauche du duc, et du même coup lui fendant la tête depuis la pommette de la joue jusqu' au bas du menton.
Le duc resta encore un instant debout, comme un chêne qui ne peut tomber ; alors Robert de Loire lui plongea son poignard dans la gorge et l'y laissa."

mardi 25 novembre 2025

André Malraux et Georges de La Tour


"La Tour ne gesticule jamais. En un temps de frénésie, il ignore le mouvement. Qu'il soit capable de le représenter bien ou mal ne vient même pas à l'esprit : il l'écarte. Son théâtre n'est pas le drame de Ribera, c'est une représentation rituelle, un spectacle de lenteur. Connut-il Piero della Francesca ? Non, sans doute. Le même souci de style fige ses personnages dans la même immobilité plus intemporelle que primitive, celle d'Uccello, de la Pietà de Nouans, de Giotto parfois. Si le geste baroque se déploie en s'éloignant du corps, celui de La Tour est dirigé vers le corps, comme ceux qui expriment le recueillement ou le frisson. Il est rare que les coudes quittent la poitrine de ses personnages et les doigts de ses mains offertes (dans le Saint Sébastien par exemple) ne sont pas tendus. Les personnages extérieurs de ses groupes sont attirés vers le centre du tableau aussi impérieusement que ceux du baroque s'en délivrent.
On dit qu'il fut, comme ses contemporains amateurs de nocturnes, voire comme Bassano, un analyste des effets de lumière. Mais ses effets de lumière si prenants ne sont nullement exacts, et il suffirait de reconstituer les scènes qu'il peint, et de les photographier, pour le prouver. On sait le rôle que joue les torches dans ses tableaux ; mais quand une torche a-t-elle dispensé cet éclairage serein et fondu, qui fait apparaître des masses et ne fait pas apparaître d'accents ? Les corps du Saint Sébastien veillé par sainte Irène ont des ombres, mais projettent seulement celles que le peintre à choisies ; et il n'y en a aucune dans le premier plan du Prisonnier, que La Tour ne voulait pas mettre en valeur. [...]
Les pâles flammes de La Tour servent à unir ses personnages ; sa bougie est la source d'une lumière diffuse malgré la netteté de ses plans, et cette lumière n'est nullement réaliste,  elle est intemporelle comme celle de Rembrandt. [...]
Ce que La Tour prend au réel  est parfois saisi de façon aiguë ; les mains translucides de Jésus enfant devant la bougie, dans le Saint Joseph charpentier, par exemple. Mais sa lumière n'est ni le moyen d'un  relief,  comme celle du Caravage, ni le moyen d'un pittoresque, comme celle de Honthorst : c'est le moyen d'un harmonie qui fait du réel le décor de quelque palais du recueillement."
André Malraux, Les Voix du Silence, La Galerie de la Pléiade, Gallimard, 1953, extraits pris dans les pages 380-389.

Pour l'illustration : Jacques Thuillier, Tout l'œuvre peint de Georges de La Tour, Paris, Flammarion, 1973, pl. XXXV. 

René Char, Héraclite et Georges de La Tour

À deux mérites. - Héraclite, Georges de La Tour, je vous sais gré d'avoir de longs moments poussé dehors de chaque pli de mon corps singulier ce leurre : la condition humaine incohérente, d'avoir tourné l'anneau dévêtu de la femme d'après le regard du visage de l'homme, d'avoir rendu agile et recevable ma dislocation, d'avoir dépensé vos forces à la couronne de cette conséquence sans mesure de la lumière absolument impérative : l'action contre le réel, par tradition signifiée, simulacre et signature."
René Char, Poèmes et prose choisis, Gallimard, 1957, p. 217.

François-Georges Pariset, Georges de La Tour, 1948


"Cet ouvrage reprend les thèses pour le doctorat ès-lettres que j'ai soutenues en Sorbonne le 21 juin 1947 sous la présidence de M. Lavedan,  rapporteur de la thèse principale, avec le concours de M. Réau, rapporteur de la thèse secondaire, et de MM. Gouhier, Souriau et Zeller."
François-Georges Pariset, Georges de La Tour, Paris, Henri Laurens, éditeur, 1948, p. 5.

René Char et la Madeleine au miroir

Jeune cheval à la crinière vaporeuse

Que tu es beau, printemps, cheval,
Criblant le ciel de ta crinière,
Couvrant d'écume les roseaux !
Tout l'amour tient dans ton poitrail :
De la Dame blanche d'Afrique
À la Madeleine au miroir.
L'idole qui combat, la grâce qui médite.

René Char, Poèmes et prose choisis, Gallimard, 1957, p. 171.

"Georges de La Tour" de Jamot, lu dans les camps de prisonniers

"Le petit volume qui réunit aux textes de Paul Jamot les principaux tableaux de La Tour fut lu dans les camps de prisonniers avec ferveur, et René Char avait une photographie du Job épinglé dans son P.C. de résistant à Céreste. En un temps où sévissait de nouveau la guerre avec ses misères et et ses déchéances, les œuvres du peintre lorrain trouvaient leur plus profonde résonance. Aujourd'hui que la peinture accepte de se soustraire à toute signification, ou se contente de l'illustration la plus simpliste, il n'est peut-être pas inutile qu'une haute destinée d'artiste peut, en son principe et dans la mesure même où elle est recherche et création d'un langage, être tout à la fois une quête spirituelle et un enseignement moral."
Jacques Thuillier, Tout l'œuvre peint de Georges de La Tour, Paris, Flammarion, 1973, p. 9. 

lundi 24 novembre 2025

René Char et la Madeleine à la veilleuse de Georges de La Tour


" Madeleine à la veilleuse par Georges de La Tour "

"Je voudrais aujourd'hui que l'herbe fût blanche pour fouler l'évidence de vous voir souffrir : je ne regarderais pas sous votre main si jeune la forme dure, sans crépi de la mort. Un jour discrétionnaire, d'autres pourraient moins avides que moi, retireront votre chemise de toile, occuperont votre alcôve. Mais ils oublieront en partant  de noyer la veilleuse et un peu d'huile se répandra par le poignard de la flamme sur l'impossible solution."
René Char, Poèmes et prose choisis, Gallimard, 1957, p. 98.

Pour l'illustration :
Jacques Thuillier, Tout l'œuvre peint de Georges de La Tour, Paris, Flammarion, 1973, pl. XLIII.

René Char et Job raillé par sa femme de Georges de La Tour

 
Georges de La Tour, Job raillé par sa femme
Musée d'Art Ancien et Contemporain d'Épinal
-
"La reproduction en couleurs du Prisonnier  de Georges de La Tour, que j'ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n'ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l'emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d'ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l'homme assis. Sa maigreur d'ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L'écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l'inespéré mieux que n'importe quelle aurore."
René Char, Feuillets d'Hypnos (1943-1944), n° 178, Gallimard, 1946. Poèmes et prose choisis, Gallimard, 1957, p. 56.

Pour l'illustration : Jacques Thuillier, Tout l'œuvre peint de Georges de La Tour, Paris, Flammarion, 1973, pl. LVII.

dimanche 23 novembre 2025

l'explicit d' "Isabel de Bavière" d'Alexandre Dumas

Le lendemain, Henri VI d'Angleterre, âgé de dix-huit mois, fut proclamé roi de France, sous la régence du duc de Bedford. 

Isabel de Bavière,  roman d'Alexandre Dumas, où l'auteur parle très peu de cette reine de France, épouse de Charles VI, à l'encontre du marquis de Sade qui, dans sa biographie, la charge de tous les méfaits par ambition et des malheurs de la France divisée entre Armagnacs et Bourguignons.

"Mais pour avoir, en maints endroits, sous couvert d'archives sans existence, exposé comme véritables des mobiles et des causes tirés de son imagination algolagnique, Sade ne nous en offre pas moins, grâce à des matériaux positifs utilisés de main de maître, un  ample et saisissant tableau du règne de Charles VI. Par la vive conduite et la diaprure de son récit, par la hardiesse de ses inventions et leur subtil ajustement à des faits qu'on ne peut nier, par la profondeur de ses réflexions touchant à la psychologie tant individuelle que collective, par les teintes noires et inquiétantes dont il a cerné avec art le personnage de la reine, l'auteur d'Isabelle de Bavière mérite d'être rangé au nombre des meilleurs tenants de ce genre ambigu qui, très éloigné du roman, en emprunte quelques aspects et, de la veine de Clio, n'est pas tout à fait l'histoire."
Gilbert Lély, Vie du marquis de SadeŒuvres complètes du marquis de Sade, tome II, Paris, Au Cercle du Livre précieux, 1966, p. 619.

samedi 22 novembre 2025

mercredi 19 novembre 2025

dimanche 16 novembre 2025

Alfred Renaudin, Vue de Ceintrey, Meurthe-et-Moselle


 Alfred Renaudin, Vue de Ceintrey, Meurthe-et-Moselle
hst, 110 x 170 cm, sbd et daté1930
Acacia Enchères, Vandœuvre-lès-Nancy

vendredi 14 novembre 2025

Albert Horel, Jouy-aux-Arches


Albert Horel (1876-1964), Jouy-aux-Arches
huile sur toile, 59,70 x 73 cm,  sbg, 16, situé
Acacia Enchères, Vandœuvre-lès-Nancy

dimanche 9 novembre 2025

l'explicit des "Mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar

Petite âme, âme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus, où tu devras renoncer aux jeux d'autrefois. Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts...