"La fête, puissante et solennelle montagne, leur cachait l'horizon. Ils étaient tous convaincus qu'elle n'amenait pas seulement dans leur vie un changement passager, mais une transformation complète. Au dernier instant, ils furent pris de peur devant leur ouvrage. De son propre mouvement, la fête se mettait à leur adresser de joyeux signes et de dangereuses menaces. Elle assombrissait le ciel, elle l'éclaircissait. On brossait et l'on repassait les tenues de gala. Même le capitaine Lorenz n'osait pas faire, ces jours-là, sa partie de billard. La douillette tranquillité où il avait résolu de passer la fin de sa vie militaire était détruite. Il considérait sa tunique de cérémonie avec des regards de méfiance et ressemblait à un cheval gras resté longtemps dans l'ombre fraîche de l'écurie et que l'on contraint brusquement à prendre part à une course de trot."
Joseph Roth, La Marche de Radetzky, Points Seuil 2008, p. 349.
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