vendredi 24 novembre 2017

coucher de soleil en Floride dans "Voyage en Amérique" de Chateaubriand

Coucher de soleil en Floride 
par Chateaubriand qui n'a jamais vu la Floride actuelle, ni la Basse Louisiane

-
"Le soleil approchait de son couchant : sur le premier plan de l'île  paraissaient des chênes verts, dont les branches horizontales formaient le parasol, et des azalées qui brillaient comme des réseaux de corail.
Derrière ce premier plan s'élevaient les plus charmants de tous les arbres, les papayers : leur tronc droit, grisâtre et guilloché, de la hauteur de vingt à vingt-cinq pieds, soutient une touffe de longues feuilles à côtes, qui se dessinent comme l'S gracieuse d'un vase antique. Les fruits, en forme de poire, sont rangés autour de la tige ; on les prendrait pour des cristaux de verre ; l'arbre entier ressemble à une colonne d'argent ciselé, surmontée d'une urne corinthienne.
Enfin, au troisième plan, montaient graduellement dans l'air les magnolias et les liquidambars.
Le soleil tomba derrière le rideau d'arbres de la plaine, à mesure qu'il descendait, les mouvements de l'ombre et de la lumière répandaient quelque chose de magique sur le tableau : là, un rayon se glissait à travers le dôme  d'une futaie et brillait comme une escarboucle enchâssée dans le feuillage sombre ; ici, la lumière divergeait entre les troncs et les branches, et projetait sur les gazons des colonnes croissantes et des treillage mobiles. Dans les cieux, c'étaient des nuages de toutes les couleurs, les uns fixes, imitant de gros promontoires ou de vieilles tours près d'un torrent, les autres flottant en fumée de rose ou en flocons de soie blanche. Un moment suffisait pour changer la scène aérienne : on voyait alors des gueules de four enflammées, de grands tas de braises, des rivières de laves, des paysages ardents. Les mêmes teintes se répétaient sans se confondre ; le feu se détachait du feu, le jaune pâle du jaune pâle, le violet du violet : tout était éclatant, tout était enveloppé, pénétré, saturé de lumière."

François-René de Chateaubriand, Atala, René, Voyage en Amérique, Vie de Rancé, Paris, 2009, p. 190-191.

A comparer ci-dessous avec le Coucher de soleil en Floride des Mémoires d'Outre-Tombe :

Coucher de soleil en Floride par Chateaubriand qui n'a jamais vu la Floride actuelle,
 ni la Louisiane actuelle

"Le soleil approchait de son couchant. Sur le premier plan paraissaient des sassafras, des tulipiers, des catalpas et des chênes dont les rameaux étalaient des écheveaux de mousse blanche. Derrière ce premier plan s'élevait le plus charmant des arbres, le papayer qu'on eût pris pour un style d'argent ciselé, surmonté d'une urne corinthienne. Au troisième plan dominaient les baumiers, les magnolias et les liquidambars.
Le soleil tomba derrière ce rideau : un rayon glissant à travers le dôme d'une futaie, scintillait comme une escarboucle enchâssée dans le feuillage sombre ; la lumière divergeant entre les troncs et les branches, projetait sur les gazons des colonnes croissantes et des arabesques mobiles. En bas, c'étaient des lilas, des azaléas, des lianes annelées, aux gerbes gigantesques ; en haut, des nuages, les uns fixes, promontoires ou vieilles tours, les autres flottants, fumées de rose ou cardées de soie. par des transformations successives, on voyait dans ces nues s'ouvrir des gueules de four, s'amonceler des tas de braise, couler des rivières de lave : tout était éclatant, radieux, doré, opulent, saturé de lumière."

François-René de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, livre VIII, chap. 4.

En accompagnement, le troisième mouvement de Florida Suite de Frederick Delius : Sunset - Near the Plantation.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire